Qu’est-ce que l’ENTREPRISE A MISSION ?

C’est la loi Pacte pour la transformation et la croissance des entreprises, promulguée par décret le 22 mai 2019, qui a donné un cadre légal à l’entreprise à mission.
Cette loi a pour objectif de lever les obstacles à la croissance des entreprises, à toutes les étapes de leur développement : de leur création jusqu’à leur transmission, en passant par leur financement.

Elle considère que les entreprises ne se limitent pas à la recherche du profit mais doivent être le lieu de création et de partage de sa valeur. Le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) permet de redéfinir la raison d’être des entreprises et de renforcer la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux liés à leur activité.

Une étude menée par l’IFOP pour Terre de Sienne en 2016 révélait que 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %).

La loi Pacte apporte donc dans la définition de l’entreprise la notion d’objet social pour inciter les entreprises à prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leur activité et permettre à celles qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts. Cette « raison d’être » est le projet de long terme dans lequel s’inscrit l’objet social de l’entreprise.

Le statut d’entreprise à mission permet d’inscrire cette raison d’être dans les statuts qui intègre sa contribution sociale et environnementale, de décliner des engagements concrets et de se doter d’un organe de suivi, où les salariés sont représentés, chargé de vérifier la conformité des décisions de gestion de l’entreprise avec sa mission.

Devenir une entreprise à mission, pourquoi et qu’est-ce que cela change ?

-Un « commun » au cœur de la stratégie
La mission permet de placer la création d’un commun au cœur de la stratégie de l’entreprise, un commun qui fait sens pour toutes les parties-prenantes, qui ancre sa légitimité car il résonne avec son ADN et définit sa contribution sociale et environnementale.
C’est ce qui a décidé Bris Rocher, PDG du Groupe Rocher comme le rapporte Novethic dans son édition du 9 janvier 2020 : « Devenir une entreprise à mission est une manière de rendre hommage aux valeurs qui ont guidé mon grand-père lors de la création d’Yves Rocher, il y a 60 ans. La loi Pacte nous permet d’officialiser cela et de pouvoir assurer la transmission de cette valeur familiale aux générations futures qui géreront l’entreprise, dans la lignée de mon action pour réintégrer le capital de l’entreprise au sein de la famille Rocher. Notre mission – Reconnecter ses communautés à la nature – est une réponse à l’un des plus grands défis de notre société mais aussi aux attentes de nos consommateurs. C’est également une incitation, pour les autres entreprises, à prendre le même chemin, autour de leurs propres valeurs. Je suis convaincu que la pérennité d’une entreprise se construit en conjuguant la performance économique et le bien commun. Ce nouvel outil va nous permettre de créer de la valeur autour de nos parties prenantes. Cela passera notamment par de nouveaux axes stratégiques pour chacune de nos 10 marques (Yves Rocher, Petit Bateau, Dr Pierre Ricaud…) et la certification B corp ».

C’est également ce qui a motivé le choix de Pascal Demurger, DG La Maif. « L’entreprise a un rôle politique à la fois face à des enjeux de fracture sociale, d’urgence climatique et de rupture digitale mais aussi face aux attentes des consommateurs-citoyens qui s’amplifient et à des Etats qui ne peuvent plus répondre seuls à cela. En tant que dirigeant d’entreprise, je ne peux pas m’en abstraire et l’idée est en quelque sorte de passer du côté du problème à la solution.
Pour la Maif, prendre le chemin de l’entreprise à mission, c’est prendre ses responsabilités en tant qu’ »assureur militant » pour garantir un impact positif de notre activité pour la société. C’est aller au bout de nos convictions, en embarquant l’ensemble du corps social et en premier lieu nos collaborateurs que nous avons engagés dans cette démarche. C’est aussi une façon de le déclarer publiquement, c’est-à-dire nous obliger, de manière irréversible. C’est enfin un positionnement stratégique car nous sommes convaincus que notre engagement est un facteur d’attractivité, de différenciation et même une condition de performance, voire de pérennité ».
(
Novethic 9 janvier 2020).

-Un cap et un repère d’alignement
Cette mission est essentielle car elle fixe le cap et devient un véritable outil d’aide à la décision. Elle permet de passer par ce filtre toutes les options qui s’offrent à l’entreprise pour ne retenir que celles avec lesquelles elle est 100% alignée et donc crédible.

Pierre Dubuc, PDG et Co Fondateur déclare :« OpenClassrooms a une mission depuis sa création en 1999 : rendre l’éducation accessible, partout, tout le temps. Nous l’avons formalisée (notre raison d’être, ndr) il y a sept ans puis inscrite dans les statuts en 2018 à l’occasion de la loi Pacte. Nous étions alors à une période charnière de notre développement : chaque année, nous doublons de taille. Nous avons donc besoin d’être très clairs sur la mission de l’entreprise, à la base de sa création de valeur. Cela nous guide dans nos décisions stratégiques. Ainsi, quand des entreprises ont voulu des formations exclusives, ce qui était contraire à notre mission d’accessibilité, nous avons refusé. Quand nous avons cherché des fonds externes, nous voulions être sûrs que les investisseurs soient bien alignés sur celle-ci et la respecte pleinement. Nous l’avons donc intégré dans le pacte actionnaires que nous avons signé avec un fonds américain. Ils n’ont pas changé une ligne. Aujourd’hui, nous consolidons notre démarche avec un comité d’impact, pour avoir une mesure et un contrôle externe. Notre mission est au cœur de notre stratégie, des produits au recrutement en passant par notre financement ». (Novethic 9 janvier 2020).

Un engagement dans la durée pour un capitalisme responsable
Enfin, la mission inscrit dans l’entreprise dans la durée autour d’un capitalisme responsable pour lequel le profit et la croissance sont des moyens de réaliser la mission et non une fin en soi.

Yvon Chouinard, Fondateur de Patagonia, raconte : « A la fin des années 1980, nous avons rencontré de graves soucis financiers, parce que nous croissions de 50% chaque année. Nous traversions une récession et les banques ne suivaient pas. Il était impossible d’emprunter de l’argent. Nous avons dû nous séparer de beaucoup de gens. Ce fût alors le sursaut. J’ai réalisé que je souffrais de la récession parce que je menais mon entreprise comme tous les autres – en la développant aussi vite que possible, en ouvrant toujours plus de magasins, plus de revendeurs, plus de modèles. C’est à ce moment que j’ai décidé de contrôler ma croissance et d’agir comme si la société devait être encore là dans 100 ans. Notre mission pour maintenant et les 100 prochaines années : concevoir le meilleur produit possible, de pas causer plus de dommages que nécessaire, inspirer et mettre en place à travers notre entreprise des solutions à la crise environnementale ».
Dans la continuité de son fondateur, Rose Marcario, PDG de Patagonia depuis 2008 a quadruplé le CA et déclare : « I don’t think it’s a conflict of interest to say that you can make money, and have a prosperous and successful business, and you can also do good in the world ».

C’est certainement pour ces convictions que Danone va devenir la première entreprise à mission cotée en bourse : « Pour l’entreprise, devenir la première “entreprise à mission” cotée au monde, c’est un moment naturel et historique, explique Emmanuel Faber dans un entretien au Monde le 22 mai 2020. Au moment où nous vivons une crise sans précédent, nous puisons dans l’histoire de Danone. » Le 25 octobre 1972, Antoine Riboud alors PDG de BSN (devenu par la suite Danone) prend la parole aux Assises Nationales du CNPF à Marseille. Souvenons-nous, nous sommes quatre ans après les évènements de mai 68 et le rapport Meadows au club de Rome sur les limites de la croissance est sorti en mars 1972.

Devant ses pairs, Antoine Riboud déclare : « Il n’y a qu’une seule terre. On ne vit qu’une seule fois. La croissance économique, l’économie de marché ont transformé, bouleversé le niveau de vie du monde occidental. C’est indiscutable. Mais le résultat est loin d’être parfait. D’abord, cette croissance n’était pas porteuse de « justice » ; trop nombreux sont encore ceux qui se trouvent en dessous d’un seuil acceptable de bien être, que ce soit dans le cité ou dans l’entreprise. Il n’est pas possible d’admettre que la croissance abandonne derrière elle autant de « laissés pour compte » : les vieillards, les inadaptés, les malades et surtout les travailleurs, qui sont nombreux à bénéficier insuffisamment des fruits de la croissance. Ensuite, cette croissance engendre des nuisances à la fois collectives et individuelles. Elle a souvent sacrifié l’environnement et les conditions de travail à des critères d’efficacité économique. C’est pourquoi elle est contestée, et mieux parfois rejetée comme finalité de l’ère industrielle ». Il conclue « Conduisons nos entreprises autant avec le coeur qu’avec la tête, et n’oublions pas que si les ressources d’énergie de la terre ont des limites, celles de l’Homme sont infinies s’il se sent motivé ». Son discours surprend. C’est ainsi que naît « le double projet économique et social » partant du postulat que performance et humain sont étroitement liés, car « il y a des hommes derrière les machines et si on ne s’occupe pas des hommes, les machines ne tourneront pas » comme le rappelait Franck Riboud, son fils, lors d’une intervention devant des étudiants de HEC en octobre 2007.

-Une nouvelle gouvernance
La raison d’être et son plan d’action expriment la contribution de l’organisation dans la société. Devenir sur cette base une entreprise à mission signifie d’en faire évoluer la gouvernance avec l’intégration de toutes les parties-prenantes à travers un comité de mission. Il regroupe des collaborateurs, des ONG, des experts extérieurs, des représentants des pouvoirs publics, etc. C’est ensemble avec les actionnaires qu’ils vont établir les objectifs et son référentiel d’évaluation. Comme le rappelle Citizen Capital & Deloitte Développement Durable dans le guide de l’Entreprise A Mission : « Le caractère unique de l’entreprise à mission, c’est la liberté qui est donnée aux fondateurs et actionnaires de définir leur mission et l’ambition qui y est associée. Mais comme toutes les libertés, elle oblige ».
Cette évaluation est clé et garantit l’engagement réel de l’entreprise au-delà d’une volonté de communication. Cette démarche peut être certifiée. C’est ce que propose B Lab, une association créée en 1986 aux USA qui a développé un outil d’évaluation de la performance sociale et environnementale de l’entreprise à travers 200 questions réparties autour de cinq thématiques : Gouvernance, Collaborateurs, Collectivités, Environnement, clients, qui délivre la certification B-corp.

-Que devient la RSE dans tout cela?
Cette démarche va bien au-delà de la RSE souvent positionnée comme une activité/un service à part. Au contraire, elle met ces dimensions au cœur du quotidien de toute l’organisation et de ses équipes. C’est ainsi que Patagonia a décidé de dissoudre son département RSE en 2014 pour l’intégrer au cœur de chacun des métiers. Plus de 500 collaborateurs s’engagent activement au sein d’ONG, ce qui est une façon concrète d’apporter une contribution positive à la planète.

Ce mouvement s’organise et a vu naître le 20 décembre 2018 la communauté des entreprises à mission (https://www.entreprisesamission.com/) qui est un collectif d’entrepreneurs qui défend un modèle d’entreprise qui contribue activement au bien commun. L’objectif est d’aider les entreprises à mission à grandir en partageant leur expérience, en documentant ce qui qualifie l’entreprise à mission et en les faisant rayonner auprès du grand public.

La volonté des politiques et l’engagement de dirigeants dans cette voie sont importants. Ces derniers sont des pionniers qui ouvrent une nouvelle voie et démontrent que l’Entreprise est une actrice incontournable de l’évolution de notre société. Réconcilier performance et contribution positive à son éco-système environnement et social, est possible.

Sources :

https://www.businessinsider.fr/us/patagonia-ceo-rose-marcario-says-capitalism-must-evolve-to-save-earth-2019-4

https://www.google.com/search?rlz=1C1GCEU_frFR851FR851&biw=1920&bih=943&sxsrf=ALeKk01JtB9PJMIDZvBVyhMtEDxmymWzNA%3A1590336500023&ei=9JvKXqJ-qpaXBN6ekNAE&q=discours+antoine+riboud+marseille+1972&oq=discours+antoine+ribout&gs_lcp=CgZwc3ktYWIQARgBMgQIABANMgQIABANOgQIIxAnOgQIABBDOgUIABCDAToCCAA6BggAEBYQHlDmEliLMmDxR2gAcAB4AIABVogBmAuSAQIyM5gBAKABAaoBB2d3cy13aXo&sclient=psy-ab

https://www.youscribe.com/BookReader/Index/1440239/?documentId=1418999

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-la-reconnaissance-de-l-entreprise-a-mission-dans-la-loi-pacte-782346.html

L’usage de la petite reine va-t-il être dynamisé par la crise sanitaire ?

Depuis le 11 mai, de nombreuses villes ont développé les pistes cyclables pour permettre aux usagers de privilégier le vélo à la voiture ou aux transports en commun. Ainsi, nous avons vu apparaître sur les routes des tracés jaunes pour créer de nouvelles voies de circulation.

Cette situation permettra peut-être à la France d’atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée dans la Loi d’Orientation sur les Mobilités : 9% de part du vélo dans nos déplacements en 2024, pour rejoindre la moyenne Européenne.

Depuis 2009, selon l’étude réalisée par les cabinets Indigo et Vertigo Lab, la pratique du vélo a fortement augmenté dans les grandes villes, principalement concentrée sur le trajet domicile-travail : +30% à Paris, +10% à Lyon entre 2010 et 2018 et +50% à Bordeaux entre 2015 et 2019, principalement sur la population de cadres.

Cet usage a bénéficié de la politique des villes qui ont investi dans des aménagements adaptés. Au niveau national, le budget d’investissement des collectivités sur les politiques cyclables utilitaires ou loisirs a augmenté de 40 % en dix ans, passant de 328 à 468 M€.

Le développement du vélo à assistance électrique a également contribué à cette tendance. Alors qu’il ne s’en était vendu que 15 000 pièces en 2008, 388 100 vélos ont été écoulés en 2019 selon l’observatoire du cycle, soit une hausse de 12.1% vs 2018 pour 15% du marché en volume et 45.2% du marché en valeur à 679M€. Le vélo de ville à assistance électrique à lui seul représente 51% de la catégorie.

Decathlon va lancer en test début juin sur Paris et Lyon une offre de location sans engagement de vélo à assistance électrique (VAE) de 15 à 75€/mois. Si cette offre devait être généralisée, elle pourrait permettre de rendre ce mode de transport doux accessible à un plus grand nombre.

Le gouvernement veut profiter du déconfinement pour inciter plus de Français à utiliser le vélo. Il vient donc de lancer le chèque de réparation de 50€. Elisabeth Borne, ministre de l’Ecologie a déclaré « Nous voulons que cette période fasse franchir une étape dans la culture vélo, et que la bicyclette soit la petite reine du déconfinement ».
Le succès semble être au rendez-vous, interviewés par France Bleu Touraine, des réparateurs de vélo affirment tous avoir leurs carnets de rendez-vous pleins au minimum pendant deux semaines et parfois même trois semaines. « Il y a au moins deux fois plus de clients que d’habitude, il y a un vrai engouement aussi bien pour l’achat que pour la vente, je pense que ça va être assez énorme » raconte ce réparateur de vélo du centre de Tours.

Le contexte est favorable dans les villes car la bicyclette facilite la distanciation physique et évite de prendre les transports en commun. Il faut espérer que cette tendance aura un impact sur les zones périurbaines, rurales et en banlieues cette pratique a fortement reculé notamment sur les jeunes, les personnes âgées et les ouvriers. Pour cela, les collectivités doivent se mobiliser. Selon les auteurs de l’étude, la pratique de la petite reine est directement liée à l’infrastructure existante : « Les collectivités qui investissent dans le vélo obtiennent des résultats, le taux d’utilisateurs est directement lié au linéaire d’aménagements cyclables par habitant ». Le blog Geovelo, répertorie 50 000km de pistes en novembre 2019, il faudra atteindre 100 000 km de voies aménagées pour porter à 9% sa part dans nos déplacements.

L’économie du vélo est dynamique mais aussi porteuse. Elle est estimée à 29.5mrd€ avec ses impacts induits et indirects. Elle devrait dans les années à venir aussi bénéficier de l’essor du tourisme durable (plus de 20% des touristes à vélo viennent de l’étranger et 21 millions de Français le pratiquent pendant leurs vacances).

Enfin, faire du vélo est bon pour notre santé…. Cela vaut le coup de le privilégier pour les trajets courts du quotidien, comme par exemple aller à la boulangerie le week-end, c’est bon pour nous, c’est bon pour la planète et pour notre budget !

Sources:

https://www.ebike-generation.com/actus/velo-electrique-390000-ventes-france-2019/

https://www.geovelo.fr/blog/50-000-km-damenagements-cyclables-cartographies-en-france/

https://www.01net.com/actualites/decathlon-rent-la-location-de-velo-sans-engagement-debute-a-15-euros-par-mois-1917628.html

https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/le-deconfinement-pourrait-booster-le-marche-du-velo-1200193

https://www.actu-environnement.com/ae/news/ademe-velo-economie-usages-35447.php4#xtor=ES-6

LES NOUVEAUX PARADOXES !

Personne ne peut répondre à la question du monde d’Après ?… Mais nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que les tendances de consommation et comportements d’achat présents avant cette crise sanitaire s’amplifient.
La France a commencé à se déconfiner depuis quelques jours. Dans cette période de transition qui n’est plus comme Avant mais pas encore comme Après (?), nous essayons de retrouver nos repères.

Après des semaines de confinement, il faut maintenant sortir de sa tanière protectrice pour s’aventurer à l’extérieur, monde de tous les dangers.
Comme l’a rappelé Frédéric Pommier sur France Inter le 15 mai, on observe sur les populations en cours de déconfinement des cas de « syndrome de la cabane ».
« Il s’agit d’un état émotionnel observé au début du siècle dernier chez des chercheurs d’or aux Etats-Unis. Après des mois confinés dans leurs cahutes, ils étaient paniqués à l’idée de revenir à la civilisation. Phénomène qu’on a pu observer également chez des gardiens de phare. Pour résumer, il s’agit donc de la peur de quitter un lieu d’enfermement pour retrouver la vie normale ».

Cela provoque de nombreux paradoxes :

Le paradoxe de la protection :

Ces mesures ont pour objectif de sécuriser les clients ou visiteurs mais elles sont parfois si strictes qu’elles en deviennent anxiogènes. Elles freinent le trafic physique et de fait incitent à acheter online, c’est ce qui a été observé pendant les deux derniers mois. Ainsi, l’e-commerce alimentaire français, drive et livraison inclus, a progressé de 50% depuis la mi-mars (selon un rapport de BNP Paribas) et 68% des baby-boomers ont effectué une commande en ligne pour la première fois.
D’après Nielsen, le online a gagné 2,5 millions de nouveaux clients en quelques semaines, 7% des consommateurs déclarent avoir fait leurs courses en drive pour la première fois depuis le début de la pandémie et 30% d’entre eux prévoient de continuer d’y aller à l’issue du confinement.

La peur d’être en contact avec du monde favorise les plus petites surfaces et la proximité. Selon Nielsen, sur cette période les enseignes de proximité progressent de 13 points versus leur évolution depuis le début de l’année 2020, l’écart est de 4 points pour les supermarchés quand les hypermarchés perdent 7 points.

Pour s’adapter à cette contrainte de protection, de nombreux acteurs ont proposé de nouveaux services comme le « drive sans contact » qui est au final un click&collect où le client n’a même plus besoin de rentrer dans le magasin… Pourquoi ce mode d’achat ne perdurerait-il pas ? Comment recréer une relation avec le client ?

Et dans le même temps, une étude Rosapark et Opinion way révèle que le confinement a redonné du sens et de l’humain aux hypermarchés. Nous sommes 41% à avoir une image plus positive de la Grande Distribution car elle a assuré l’approvisionnement vital de la population grâce à l’engagement des hommes et des femmes qui y travaillent.  Ainsi à 92% les caissières sont perçues comme les héroïnes du quotidien ! Enfin un peu de reconnaissance et d’estime pour ces personnes souvent ignorées. Il faut que ce nouveau regard dure.
Les Hypermarchés sont en quelque sorte devenus « la nouvelle place du village », le lieu où peut se recréer du lien social.
Ce qui va être important face au risque de baisse de trafic vers le commerce physique.
Rien ne dit que nous nous comportions comme les Américains qui selon une étude du cabinet Coresight Research révélait déjà, au mois de février, qu’ils étaient 74,6% à vouloir éviter les centres commerciaux au cours des prochains mois, et 52,7% dans tout type de magasins physiques.

Le paradoxe du rattrapage :

On se souvient il y a quelques semaines de la réouverture de ce 1er drive Mc Donald pour lequel certains ont fait jusqu’à 3 heures de queue. Plus loin de nous, rappelons-nous du magasin Hermès de Guangzhou qui rouvrait ses portes avec un chiffre d’affaires record de 2,46 millions de dollars en une journée. Plus près de nous, ce lundi 11 mai, 1er jour de déconfinement elles/ils ont été nombreuses/eux à faire la queue devant les points de vente Zara. Certes on peut y trouver des vêtements pour les enfants qui ont grandi pendant ces deux mois mais le cœur de la clientèle est plutôt féminine.
Dans ce cas, le besoin impérieux d’acheter, de se faire plaisir fait oublier les risques de contagion et accepter les contraintes des mesures barrière.
Est-ce un comportement compulsif éphémère ? ou une habitude qui reprend sa place ?

Le paradoxe du local :

Selon Nielsen, 63% des Français préfèrent acheter des produits d’origine Française et locale parce que leur proximité rassure et permet d’être solidaires.
Sous contrainte d’approvisionnement et pour soutenir l’économie locale, de nombreux distributeurs se sont tournés vers des producteurs proches de chez eux. On peut notamment relever les performances enregistrées par « C’est qui le patron ?! » : +387% sur les pâtes, +142% sur la farine, +141% sur les steaks surgelés, + 84% sur les sardines… De façon plus globale, les produits Bio sur la période de confinement ont enregistré une hausse de leur CA de 28% pour 8% pour le non Bio (Nielsen).

Mais ce retour vers le local sous contrainte de peur de contagion et difficultés d’approvisionnement résistera-t-il aux tensions sur le budget des ménages même si cela fait sens pour tous?
Pour rappel, 82% des Français surveillent leurs dépenses depuis le début de la crise et 46% anticipent une dégradation de leur situation économique dans l’année à venir (Nielsen).

Monde d’Avant, Monde d’Après…. ce qui est certain c’est que ce chemin ne sera ni évident, ni facile… certainement pas un long fleuve tranquille…. mais tout reste à créer et imaginer!

Articles de référence:

https://www.franceinter.fr/emissions/le-quart-d-heure-de-celebrite/le-quart-d-heure-de-celebrite-15-mai-2020

http://www.influencia.net/fr/actualites/tendance,etudes,rosapark-opinionway-etude-qui-remet-hypers-coeur-vie,10226.html?utm_campaign=newsletter-s20-14_05_2020&utm_source=influencia-newsletter&utm_medium=email&utm_content=rosapark-opinionway-etude-qui-reme

L’HUMAIN au cœur de la PERFORMANCE des entreprises

Cette crise a réveillé notre esprit d’entrepreneur.
Chacun a pris la liberté d’agir pour servir une cause commune partagée et évidente : combattre le Covid-19.

Cette situation a remis l’Humain au cœur de nos préoccupations pour se protéger du virus, pour soigner les malades, pour soutenir les soignants, pour prendre des nouvelles de nos proches, pour témoigner de notre solidarité, etc…

Ces observations peuvent se transposer sur le monde de l’entreprise :

Partager une Vision.
C’est la destination finale, ce pour quoi chaque jour nous nous engageons. C’est une cause qui nous parle, qui résonne avec nos valeurs, qui nous rend utiles et nous apporte de la fierté. Elle fédère les équipes. C’est le POURQUOI indispensable qui permet de comprendre et accepter ce que nous faisons quotidiennement, les décisions qui sont prises.
Cette Vision est partagée par tous : les équipes, les clients, les parties-prenantes car ils l’ont co-construites et ils lui donnent vie. C’est la raison d’être de l’organisation qui définit en quoi elle contribue à son éco-système et qui par défaut identifie ce qu’il manquerait si elle n’existait pas.
C’est le filtre qui donne du sens aux actions, qui permet des choix et des renoncements.

J’entendais récemment dans une conférence proposée par Visconti l’exemple très parlant de la compagnie des chemins de fer aux USA dont la raison d’être à la fin du 19eme siècle était de « Rapprocher les Américains de de l’Atlantique au Pacifique». Cette raison d’être claire a mobilisé les ouvriers qui avec leur famille sont partis à la conquête du grand Ouest et ont ouvert la première ligne qui reliait la côte Est à la côte Ouest. Puis cette raison d’être est devenue «Devenir le Leader du Marché », ce qui n’a jamais été le cas car l’avion puis la voiture ont supplanté le train. Cette pseudo raison d’être était en fait drivée par un désir de croissance et de développement sans sens. Elle a réduit la perspective de l’entreprise qui n’a pas vu arriver de nouveaux modes de transport.

Mettre l’Humain au cœur.
C’est permettre à chacun d’agir en responsabilité et en cohérence avec la Vision. Jean-François Zobrist qui a repris FAVI en 1985 témoigne que la bienveillance engendre de la confiance qui engendre de la performance.
C’est l’avis d’Isaac Getz et Laurent Marbacher qui expliquent dans la Harvard Business Review du 6 mai 2020 que les entreprises altruistes sont plus performantes que les autres.
Une entreprise crée de la valeur. C’est sa finalité et la conséquence de sa capacité à répondre de façon pertinente à sa raison d’être. L’efficacité du COMMENT qui répond à son POURQUOI crée cette performance.

La question est de savoir comment ce COMMENT peut-il être le plus efficient ?

Isaac Getz et Laurent Marbacher rappellent que : » Notre recherche montre, en effet, que la performance financière supérieure des entreprises altruistes est la conséquence d’une focalisation sur les autres ingrédients, mais selon un certain ordre. Salariés, puis clients, fournisseurs et communautés locales ».

Très concrètement, cela nécessite d’Engager les équipes, pour Satisfaire les clients, Bien traiter ses fournisseurs et Soutenir ses communautés locales.

La mise en responsabilité des collaborateurs autour d’une Vision partagée est la première étape indispensable. Elle requiert de la bienveillance pour installer un climat de confiance qui permet de libérer les énergies et les initiatives. Cette posture doit être sincère.
Il faut avoir conscience qu’elle bouscule le management qui doit passer de « faire appliquer et contrôler des instructions » à « permettre à chacun d’apporter les améliorations et évolutions utiles pour accomplir ses missions plus efficacement ». Cela n’enlève ni un cadre, ni des règles du jeu mais encourage la prise d’initiatives par celles et ceux qui sont au plus près du terrain, du client.

Jean-François Zobrist a mis en place cette approche au sein de FAVI et a ainsi pu améliorer très fortement la satisfaction de ses clients, donnant à ses équipes la liberté de décider ce que chacun pouvait faire à son poste pour mieux satisfaire son client.

Dans son nouveau rôle, le Manager se doit d’être exemplaire. Il doit faire et agir comme il invite les autres à le faire.

Des équipes engagées autour d’une Vision partagée sauront agir pour satisfaire les clients. Au-delà, c’est toute l’organisation qui considérera toutes ses parties-prenantes comme des ressources au service de sa raison d’être.

Remettre l’Humain au cœur permet de rester connecter à la réalité de son marché, de ses clients. Favoriser cette écoute permanente est un atout énorme pour une entreprise notamment en période de crise ou de mutation car cela lui permet de détecter des signaux faibles, de s’adapter et donc de réagir plus vite que les autres.  C’est un facteur de résilience fort dans un environnement qui évolue de plus en plus rapidement et brutalement.

Considérer que l’on est plus intelligent ensemble que seul, s’impose comme une évidence et permet collectivement d’être plus performant.
« Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », proverbe Africain.

Ainsi, il est intéressant d’observer la capacité d’adaptation du modèle coopératif où chaque adhérent est acteur. Certes, la gouvernance peut parfois sembler compliquée mais au final ce format est agile et très réactif.

L’exemple du mouvement coopératif « C’est qui le patron ? ! », créé en 2016 par Nicolas Chabanne et Laurent Pasquier, qui rassemble aujourd’hui 10 000 sociétaires et 3000 producteurs autour d’une raison d’être : « créer une « Marque du Consommateur » destinée à nous permettre à nous, les consommateurs, de reprendre en main différemment notre consommation » est très intéressant. Cette organisation a créé plus de 30 références et écoulé plus de 100 millions de produits en deux ans ! Ces dernières semaines, ce collectif s’est mobilisé en lançant un fond de solidarité des consommateurs et citoyens pour venir en aide aux producteurs en difficulté partant du principe que ce qui ont été les « gagnants » de la crise peuvent partager leur gain avec ceux qui en ont souffert. Plus fort encore, le lancement d’une plateforme de livraison directe aux consommateurs qui se passe complètement des acteurs historiques de la distribution.

Ce collectif de consommateurs et producteurs animé par une raison d’être partagée fait preuve d’audace, d’agilité et d’inventivité. C’est une belle leçon qui démontre que l’intelligence collective délivre de la performance et permet d’innover en période d’incertitudes!

A lire et découvrir:

https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2020/05/30025-pourquoi-les-entreprises-altruistes-sont-elles-plus-capables-que-les-autres-daffronter-lavenir-quel-quil-soit/

https://lamarqueduconsommateur.com/

Cette crise a-t-elle révélé et réveillé notre capacité à entreprendre ?

Que retenir des deux mois écoulés ? Qu’ont-ils révélé de nous ?
J’ai envie d’oublier les 66 millions d’épidémiologistes,  de 1er ministres et  de Présidents de la République et tous les « Y’a qu’à, faut qu’on ! » stériles.

Par contre, je retiens la solidarité, l’entre-aide, l’ingéniosité, l’agilité, la combativité, l’énergie et le courage de tous. C’est un peu comme si à travers tout le pays, toute l’Europe et tout le monde étaient nés des « entrepreneurs », volontaires et acteurs de la situation.
Tous ont été animés par un objectif commun : surmonter la crise sanitaire, qui s’est naturellement imposée comme une raison d’être et d’agir à tous.

C’est certainement ce projet partagé qui a permis de créer de nouvelles collaborations : les masques de Décathlon détournés en matériel respiratoire pour les malades, les chaînes de production de LVMH et l’Oréal adaptées à la fabrication de gel hydro alcoolique, les ateliers de textile et des centaines de couturières professionnelles ou amateurs reconvertis dans la confection de masques, le soutien apporté aux producteurs de fleurs par les épiciers ou boulangers, les services de livraison à domicile, à emporter et drive sans contact mis en place dans tous types de commerce, la mobilisation des transporteurs pour rester sur le pont avec un service plus que minimum sur les autoroutes, etc… les exemples sont nombreux.

Dans tout cela ce qui est remarquable, c’est que l’instinct de défense et de survie face au covid-19 nous a tous mobilisé. Cette cause unique a fait tomber beaucoup de barrières et rendu possible ce qui ne le semblait pas. En temps normal, il aurait certainement fallu des mois voire des années à Decathlon pour faire homologuer son masque par les autorités sanitaires… et là en situation d’urgence, l’agilité et l’intelligence collective ont été au rendez-vous avec succès.

Ce que nous venons de vivre est inspirant. Dans le bilan qui reste à établir de cette crise, cet état d’esprit d’entrepreneur est un point très positif qu’il faut conserver car cela nous a réussi. Nous avons été inventifs et réactifs. Nous avons trouvé des solutions efficaces.

Blandine Mulliez et Thibaut de Saint Simon dans le Figaro du 7 mai déclarent : «La crise mondiale inédite du Covid-19 a mis en avant un paradoxe étonnant: d’une part le manque de moyens de notre système de soin et la fragilité de notre économie et d’autre part la grande résilience, la capacité d’adaptation et la solidarité des français et de notre société ».

C’est une richesse et une ressource dont nous disposons et qu’il faut libérer et encourager. Retenons aussi ce que l’intelligence collective nous a permis de réaliser. Ne sous-estimons pas la force d’un collectif autour d’un objectif partagé si chaque individu peut s’exprimer et agir. C’est valable en entreprise et pour notre société.

Article à découvrir :

https://www.lefigaro.fr/entrepreneur/prenons-soin-de-nos-entrepreneurs-la-sante-de-notre-economie-en-depend-20200507

A quelques jours du déconfinement, quel est l’état d’esprit des Français ?

48eme jour de confinement, 8 français sur 10 sont inquiets, comme le rappelle Bernard Sananes, du cabinet Etudes et Conseil Elabe dans le postcast « Si c’était mieux après ? » du 3 mai.

Nous étions déjà 2/3 à déclarer être inquiets au moment du confinement et nous le restons car le déconfinement va nous exposer.

La dramatisation du discours du Président de la République mi-mars nous a collectivement fait prendre conscience de la gravité de la situation. Après cette prise de parole, notre inquiétude est montée de 25pts selon Bernard Sananes. C’est la raison pour laquelle ce confinement, qui nous a imposé une perte de notre liberté, a bénéficié d’une acceptabilité sociale forte. C’est encore le cas pour les mesures de déconfinement (sauf pour l’école) car nous restons inquiets et avons peur.

Il faut comprendre que cette inquiétude s’exprime sur le terreau de la défiance vis-à-vis de l’action publique  et du pessimisme qui nous caractérisent. La confiance que nous accordons aux politiques pour gérer cette crise est dépendante de nos sympathies politiques. Elle est aussi influencée par la qualité et la transparence de la communication, exercice très compliqué dans la situation actuelle.
A ce titre, le sujet des masques cristallise incompréhension et inquiétude. L’opinion a été choquée que les soignants n’aient pas les moyens de se protéger et à ce jour encore une très grande majorité des Français ne croient pas en la capacité du gouvernement de permettre à chacun de s’en procurer pour le 11 mai.
La polémique qui vient juste de naître sur le sujet à l’encontre de la grande distribution en est bien l’exemple. Le message a été confus et toutes les suspicions même mes plus infondées s’expriment.
A ce titre, je vous recommande la réponse Michel-Edouard Leclerc , à découvrir ci-après : https://www.youtube.com/watch?v=yk2H3s_IKIg

Cette inquiétude est aussi liée à la crise économique et sociale qui est devant nous. Les mesures mises en place par le gouvernement avec le chômage partiel et les aides aux entreprises permettent à court terme d’amortir le choc de cette sanitaire. Mais comme l’indique Philippe Moati de l’Obsoco dans une interview à France Culture le 11 avril, 30% des sondés déclarent souffrir d’une baisse de leurs revenus.

Il faut se souvenir qu’au moment du mouvement des gilets jaunes 82% de l’opinion pensait que notre société était injuste (Bernard Sananes – Cabinet Elabe). Les inégalités risquent de s’amplifier avec ce que nous vivons et créer un déséquilibre plus grand entre un désir d’achat et une capacité d’achat.

C’est l’avis de Philippe Moati qui voit se dessiner une société encore plus clivée : « D’autant plus si la crise économique est violente et s’installe dans la durée. On risque alors d’assister à l’exacerbation de la tension entre un vouloir d’achat et un pouvoir d’achat qui ne sont pas au diapason. C’est exactement ce qui avait provoqué le mouvement des « gilets jaunes ». Personnellement, je pense que cette crise va accélérer la division de la société en deux parts pas du tout égales : ceux qui vont vouloir accélérer la transition vers autre chose et ceux qui ont hâte de retrouver le monde d’avant, avec toutes les frustrations que cela risque d’engendrer, frustrations qui seront causées par la crise économique et ses conséquences sur les plus modestes ».

Dans ce contexte, difficile de savoir ce que sera « le monde d’Après », certainement ni complètement le monde dit d’Avant, ni complètement un nouveau monde.

La réalité va s’imposer à nous pour à la fois relancer notre économie mais aussi la repenser.
L’enjeu va être pour chacun citoyen, acteur politique, publique et économique de nous redéfinir un projet de société commun et partagé. C’est un challenge important dans un pays où nous attendons tout et trop de l’état. Cette crise a démontré que la mobilisation des collectivités territoriales, des entreprises, des Français aux côtés des pouvoirs publics est nécessaire. Mais cela va donc impliquer de nouveaux modes de collaboration. Des initiatives ont déjà émergé dans le monde privé et dans l’espace publique basées sur l’intelligence collective. Pour réussir cela, nous allons devoir ensemble imaginer une nouvelle gouvernance.

Sources :
https://podcast.ausha.co/resilience/33-bernard-sananes-cabinet-d-etudes-et-conseil-elabe

https://www.franceculture.fr/societe/consommation-le-covid-19-accentue-des-clivages-qui-laissent-presager-des-troubles-sociaux-a-venir


Quand l’Amiral Olivier Lajous porte son regard sur la crise actuelle…

Nous avons tous été frappés par les mots employés par le Président de la République lors de son allocution de mi-mars. Le mot guerre prononcé à plusieurs reprises nous a saisi. Certains ont jugé qu’il était inapproprié, de quel ennemi parle-t-on ?

D’autres pensent qu’il est juste. C’est notamment le cas de l’Amiral Olivier Lajous que j’ai eu la chance d’écouter lors d’un webinar. Il a partagé sa vision de la crise actuelle à travers son regard de militaire.

Il explique que la guerre est définie par trois caractéristiques :
1/ Provoquer un déferlement d’ennemis. Dans notre cas, c’est le covid-19.
2/ Entraîner un dérèglement de la société. C’est le confinement et ses conséquences.
3/ Créer des divergences de regards et d’opinions qui génèrent angoisse et inquiétude.

Face à une telle situation, dans la marine il faut se mettre à la cape. Mettre le bateau face au vent permet de tenir le temps de la survie. C’est ce que les entreprises font actuellement pour sécuriser leur trésorerie, leur activité et leurs équipes.

Pour avoir lui-même vécu des moments de tension en intervention, il raconte comment il a adapté son comportement :

naviguer à vue : C’est s’adapter aux nouvelles informations et données au fur et à mesure qu’elles sont connues sur le virus. Accepter et gérer cette incertitude.
se concentrer sur sa mission : Chacun doit être concentré sur ce qu’il a à faire car c’est une chaîne dans laquelle chaque maillon compte. C’est le cas pour la chaîne médicale, alimentaire, éducative, etc… qui se sont mises en place.
partager et échanger avec les gens pour aller chercher des solutions et tous les possibles : C’est la solidarité autour de la fabrication des masques et de gel hydro-alcoolique par des acteurs industriels dont ce n’est pas le métier. L’ingéniosité qui transforme un masque de plongée en matériel respiratoire pour les services de réanimation. Les Makers qui se mobilisent pour fabriqués des visières avec leur imprimante 3D, etc…

En parallèle, il faut agir sur trois niveaux :
Tactique : agir ici et maintenant
Opérationnel : coordonner les actions
Stratégique : penser et préparer l’Après.

Cet « Après », c’est selon lui préparer l’humain qui avec toutes ses émotions est au cœur de cette guerre. Comment en sortir vivant pour apprendre dans le monde d’Après à vivre avec le covid-19 ?

Après avoir surmonté la situation et être reparti, il faut en tirer toutes les leçons.
Nelson Mandela disait « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ».
Il est important d’inscrire les actions qui découlent de ces enseignements dans le temps, d’avancer en agilité en mode test &learn, d’en mesurer les avancées en célébrant les victoires.
En effet, il faut remobiliser sur du positif pour recréer une dynamique vertueuse

Sur un bateau, l’Amiral doit faire confiance à son équipage. C’est le pari d’une relation réussie qui met chacun en responsabilité. Partager le pouvoir, c’est une force qui permet de préparer la relève et faire face à toutes les situations.

Par analogie, il pose qu’il faut repenser nos gouvernances pour qu’elles soient partagées autour d’une vision commune. Chacun agit localement en direction d’un même cap. En équipage, chacun compte et on gagne ensemble.

Comment repenser les modes de collaborations au sein des entreprises, des administrations et dans la société ? Comment trouver le bon équilibre, comme il le dit, entre JE et NOUS ? Comment capitaliser sur l’intelligence collective « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », proverbe africain ?

Cela me fait penser à Jean-François Zobrist, Directeur Général de FAVI qui disait lors d’une conférence que « la bienveillance engendre la confiance qui engendre la performance »… A méditer…

Pour en savoir plus sur l’Amiral Olivier Lajous:
https://portail-ie.fr/short/1891/lamiral-olivier-lajous-nomme-a-la-presidence-de-bpi-group

RSE et relance économique, est-ce antinomique ?

Alors qu’une partie des entreprises se préparent à redémarrer à partir du 11 mai et se sont même d’ores et déjà adaptées pour relancer doucement leur activité, que faut-il penser de la demande de moratoire du MEDEF pour repousser les réformes énergie-climat, mobilité, lutte contre le gaspillage et économie circulaire?

Cette position ne fait pas l’unanimité.
Ainsi de grands patrons (L’Oréal, Suez, Saint-Gobain, Danone, Véolia, Schneider Electric, Renault et Engie) ont rejoint l’appel lancé le 14 avril par l’euro député Pascal Canfin pour une relance verte.
Ils ont été suivis par 20 000 chefs d’entreprise qui ont pris la parole dans la Tribune le 27 avril : » Nous n’acceptons pas l’argument de la RSE comme un possible frein à la reprise des entreprises. Tout prouve le contraire. Elle est un formidable levier d’innovations, de coopération, d’emplois ».

Quelle est la voix et la représentativité de ces dirigeants qui veulent agir au sein des fédérations patronales ? Quelle voix est donnée aux parties-prenantes à commencer par les collaborateurs eux-mêmes?

Articles de référence:

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/emissions-de-co2-invendus-alimentaires-energie-le-medef-demande-de-multiples-moratoires-sur-les-lois-environnementales-pour-sortir-de-la-crise-148482.html?utm_source=Abonn%C3%A9s+Novethic&utm_campaign=89a09aa06a-Recap_2020_04_24&utm_medium=email&utm_term=0_2876b612e6-89a09aa06a-171545162

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-sortie-de-crise-ne-se-fera-pas-au-detriment-de-la-transition-ecologique-et-de-la-justice-sociale-nous-sommes-prets-a-nous-transformer-846264.html


Que faut-il penser de la collapsologie ou théorie de l’effondrement ??

Il ne faut pas nier les faits.
L’état de notre planète se dégrade. 60% du vivant perdu en 40 ans, depuis l’après-guerre la population mondiale a été multipliée par 4 et notre consommation de viande par 8.

Ce ne sont que quelques-uns des chiffres souvent avancés par le mouvement des collapsologues, ceux qui pensent que nous avons franchi la ligne rouge et que l’effondrement de notre monde est inéluctable. Parmi ceux qui tiennent ce discours,  je vous invite à écouter ci-dessous les propos d’Aurélien Barrau, Astrophycisien et également professeur à l’université de Grenoble-Alpes.
https://www.youtube.com/watch?v=RFYMy1JQmCU

Comme l’explique Régis Meyran dans Alternative Economique du 7 janvier 2019 : » les collapsologues diagnostiquent un ensemble de crises systémiques interconnectées et globales (environnementale, énergétique, climatique, géopolitique, économique et financière, sociale, culturelle, politique, démocratique…) qui mèneraient inéluctablement, au plus tard en 2030, à l’effondrement de la civilisation mondiale thermo-industrielle et capitaliste ».

https://www.alternatives-economiques.fr/theories-de-leffondrement-solides/00087553?utm_campaign=mensuelle&utm_medium=email&utm_source=emailing&utm_content=20200422

Ce qui est certain c’est que l’atteinte à la biodiversité a des conséquences en chaîne sur nos sociétés et nos modes de vie qui en sont à l’origine. Il est vrai que depuis le club de Rome en 1972, beaucoup d’études, de scientifiques, de citoyens, d’ONG et certains politiques ont tenté de mobiliser les populations, les états et les consciences sur ce sujet.

Mais remettons-nous dans le contexte. En 1972, cela fait un peu plus de 25 ans que la seconde guerre mondiale qui a fortement touché les pays occidentaux est terminée. Les peuples ont enfin reconstruit leur maison, leur outil de production et retrouvé leur liberté. Les générations qui ont vécu cette guerre et parfois celle d’avant n’aspirent qu’au progrès social. D’autres pays regardent cela de loin, privés de cette liberté et de ce progrès. Ils ne rêvent que d’une chose : que leur tour arrive vite !

Alors oui pendant toutes ces années, notre cœur a chaviré pour ce mode de vie « occidentalisé », référence de la modernité pendant que notre raison petit à petit a pris conscience que tout cela avait un prix.

Les collapsologues qui alertent sur la fin prochaine de notre monde, prônent un discours très radical. Il faut peut-être les considérer comme des lanceurs d’alerte pour nous inciter à agir.
Toutefois, cet effondrement inéluctable annoncé peut avoir un effet inverse. Il peut faire peur et nous tétaniser. Il peut nous amener à nous dire que perdu pour perdu… Il peut aussi nous pousser à être dans le déni tellement les chiffres nous semblent incroyables….

A mon sens ce qui est important, c’est que ces faits nous incitent à agir encore plus.  Submergés par l’émotion et l’inquiétude de cette crise sanitaire, nous avons déjà oublié les marches pour le climat qui ont mobilisé à travers le monde des millions de personnes de toutes générations, les initiatives qui existent déjà et nous aident à changer nos comportements : s’approvisionner localement, louer plutôt que posséder, recycler et réparer, acheter d’occasion, éco concevoir des produits, faire soi-même,  etc…
Toutes ces nouvelles modalités et propositions sont déjà là. A ce titre, la crise actuelle les amplifie et c’est une très bonne nouvelle.

La résilience

Après la sidération de l’annonce du confinement mi-mars, nous nous sommes petit à petit installés dans de nouveaux espaces de temps et de lieu, cherchant à nous adapter individuellement et collectivement à la situation.

Les stratégies que nous avons mis en place nous ont permis de développer notre capacité de résistance et de résilience.

Qu’est-ce que la résilience ?
Selon le Larousse « C’est la caractéristique mécanique définissant la résistance aux chocs d’un matériau. (La résilience des métaux, qui varie avec la température, est déterminée en provoquant la rupture par choc d’une éprouvette normalisée.) ». En psychologie, c’est « l’aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques ».

Selon Serge Tisseron, psychiatre et Docteur en psychologie, la crise sanitaire que nous vivons peut être assimilée à une catastrophe qui nous renvoie à notre vulnérabilité et crée un traumatisme.
Nous ne réagissons pas tous de la même façon à la situation selon que nous sommes seuls ou pas, confinés à plusieurs dans un petit appartement en ville ou à la campagne, etc. Nous ne sommes pas tous résilients de la même manière.

Ce confinement crée de l’angoisse (la peur d’être contaminé), une charge mentale importante (gérer le télétravail ou l’incertitude du chômage partiel et les devoirs des enfants) et une perte de lien social (perte des contacts et des rencontres qui nous raccrochent à une communauté).

Dans le processus de résilience, recréer des liens sociaux est une étape essentielle. Elle permet de faire face ensemble. Cela nous ancre dans le présent et c’est important pour reprendre confiance dans l’avenir.

Ainsi Serge Tisseron rappelle qu’applaudir les soignants le soir, c’est important pour les grands mais aussi pour les enfants qui vivent un moment positif consacré à témoigner de la confiance dans le corps médical.
Il est intéressant de voir comment le numérique recrée ces lieux de solidarité et de partage : visio apéro, groupes whatsapp.
Vous avez certainement vu la vidéo du ballet de l’Opéra de Paris ou la symphonie confinée (liens en fin d’article). Ce sont autant d’illustrations de ces liens sociaux qui ont été recrées malgré l’éloignement, de cette nouvelle solidarité qui s’est exprimée.

Serge Tisseron explique également que ces liens sociaux créés au fil du temps par des événements collectifs qui ont rapproché les gens peuvent avoir un impact majeur en cas de catastrophe. En quelque sorte, ils nous préparent à y faire face. Ainsi au Japon lors du tsunami, les villages où existaient ces liens sociaux ont enregistré moins de victimes que ceux où ils n’existaient pas.

Ces liens sociaux sont donc essentiels pour notre résilience individuelle mais qu’en est-il des entreprises ?

Le confinement a éloigné chacun de ses collègues, certains sont en activité, voir en sur-activité et d’autres au chômage partiel. Comment garder le lien et se retrouver ? Une fois de plus au sein de l’entreprise, tout le monde n’aura pas vécu la situation de la même façon.

Comme le rappelle Boris Cyrulnik, Neuropsychiatre et conférencier dans une interview à Courrier Cadres du 20 avril, « En effet, pour tendre vers la résilience et renaître après une crise, une entreprise doit créer un nouveau schéma de développement. Pour cela, il faut que les collaborateurs eux-mêmes entrent dans le processus de résilience. Il appartient donc aux managers, mais aussi aux RH, de soutenir les salariés pendant cette épreuve et au-delà. Ils doivent pouvoir se sentir soutenus, afin de résister à cette situation difficile, et d’accepter ensuite de prendre un nouveau départ. Il s’agit d’organiser des réunions d’explication, des discussions pour faire en sorte que les collaborateurs ne se sentent pas seuls et puissent mettre des mots sur leur traumatisme, voire leur souffrance ».

Dans une période post-confinement de resocialisation mais toujours de distanciation, il va falloir recréer les communautés de personnes qui travaillent ensemble, permettre à chacun de retrouver sa place dans le groupe et de réapprendre le contact.

Article de référence :
http://courriercadres.com/management/conduite-du-changement/boris-cyrulnik-apres-la-crise-du-coronavirus-la-culture-de-la-performance-sera-critiquee-20042020

Vidéos :
https://www.youtube.com/watch?v=rEjvRktXeis