Intelligence collective et incertitude?

Nous vivons dans un mode d’incertitudes depuis toujours mais nous l’avons oublié. La récente crise nous l’a rappelé. Edgar Morin disait récemment au sujet de ces incertitudes: « … nous devons apprendre à les accepter et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine ».

La question est donc de savoir comment nous pouvons nous adapter aux incertitudes? L’intelligence collective est peut-être une réponse.

On appelle intelligence collective la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun.

Pour Emile Servan Schreiber, formé à l’informatique et la psychologie cognitive, Fondateur des sociétés de conseil Lumenogic et Hypermind : « Personne n’est aussi intelligent que tout le monde ».
Il explique que l’intelligence collective est celle qui émerge du collectif et non simplement la somme des intelligences. Ainsi, l’intelligence du groupe ne dépend pas que de l’intelligence des individus du groupe mais du fait, que les gens s’expriment et les autres écoutent. Cela donne naissance à de nouvelles idées ou solutions auxquelles chaque individu seul ne serait jamais arrivé.

Plus le groupe est composé de profils diversifiés, plus il est riche d’opinions variées et plus il est intelligent. Quand on observe ce qui s’est passé ces derniers mois, on peut relever plusieurs initiatives qui sont le fruit de cette intelligence collective.

Prenons par exemple, le cas des masques de plongée Décathlon.
En mars, le docteur Renato Favero, de l’hôpital de Gardone Vol Trompia, se rapproche de l’entreprise Isinnova, basée à Brecia, dans le nord de l’Italie, spécialisée dans la fabrication 3D. Ensemble, ils mettent au point une pièce en 3D qui s’adapte sur le masque de Décathlon Easybreath. Ils apportent dans l’urgence une première réponse aux soignants.

Quelques semaines plus tard, une collaboration entre l’Université de Stanford aux USA, le CNRS et le CHU de Brest permet d’améliorer le système avec un filtre antiviral et antibactérien. En 17 jours, le masque devient un outil de protection parfaitement efficace, un exploit !

Autre exemple, en Espagne au pic de la crise l’état central n’arrive pas à coordonner les ressources médicales entre les différentes régions. Les soignants prennent la main en direct pour s’organiser entre confrères et trouver les compétences, lits de réanimation, matériel dont ils ont besoin. Des initiatives identiques ont été observées en France.

Qu’est-ce que cela dit ?

Tout simplement, qu’en situation d’incertitude, il fait agir et réagir vite. Cela requiert de l’agilité pour aller chercher et trouver des solutions inhabituelles. Décider de façon centralisée ne permet ni la réactivité ni la créativité nécessaires. Cela questionne le fonctionnement de nos administrations par nature centralisatrices. Comment les faire évoluer ?

Qu’en est-il en entreprise ?

La situation est similaire. Emile Servan-Schreiber déclarait dans une interview à La Nouvelle République en février dernier :  « Ceux qui sont sur le terrain ont des éléments essentiels à faire remonter, précise-t-il. Quand il s’agit de parier sur le succès d’un nouveau produit, il est plus efficace de demander l’avis de tous les salariés qu’utiliser des datas, tout en conservant des organisations hiérarchiques. Je ne crois pas du tout à l’organisation horizontale, on a besoin de décideurs. Mais le dialogue est plus fluide du haut vers le bas et du bas vers le haut, aidant les décideurs à prendre les bonnes décisions ».

Mettre en place une culture de l’intelligence collective est indispensable pour permettre aux entreprises elles aussi de s’adapter en permanence rapidement à un environnement en mouvement constant.
Cela requiert une véritable volonté et capacité du dirigeant à mettre en confiance pour libérer les initiatives et énergies. Il faut pour cela que les relais managériaux en comprennent bien le sens et y participent eux-mêmes. La question n’est pas la perte de pouvoir mais la nécessité de s’appuyer sur un collectif fort pour faire face aux incertitudes.
Woodrow Wilson, Président de la Société des Nations disait : « J’utilise tout mon cerveau et aussi tous ceux que je peux emprunter ».
Cela est d’autant plus facile avec les outils numériques à notre disposition. Ils permettent de collecter les avis et idées de tous. Ainsi la décision se construit avec l’équipe et les partie-prenantes de l’entreprise.

L’intelligence collective est intuitive pour les nouvelles générations qui ont grandi avec internet et qui vivent en réseaux. Elles sont collectives.

L’enjeu pour notre société, nos administrations, nos entreprises est de créer les conditions pour mieux utiliser l’intelligence de chacun au service de tous.

Souvenons-nous : « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », proverbe Africain.

Ecouter Emile Servan-Schreiber : https://podcast.ausha.co/les-cafes-du-comite-grand-lille/emile-servan-schreiber

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